Les Haredim d’Israël à l’heure de Tsahal

Rabbi Haïm Amsellem

Le 7 juillet dernier, le Gouvernement israélien a approuvé un Projet de Loi mettant fin au système d’exemp­tions militaires dont bénéficiaient, jusqu’à présent, les Juifs ultra­orthodoxes. En 2017, la grande majorité des jeunes Haredim en âge de servir sous les drapeaux seront contraints d’effectuer un Service militaire ou un Service civil. Ceux qui re­fu­se­ront de se plier à cette injonction gouvernementale seront passibles de poursuites judiciaires. À ce jour, près de 7000 jeunes Haredim échappaient, chaque année, à la conscription pour étudier à plein temps dans une Yéchiva. Cette prérogative garantie par la Loi Tal, adoptée en 2002, mais jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême d’Israël à l’été 2012, n’a cessé d’exacerber le conflit qui oppose les Juifs orthodoxes et les Juifs laïcs israéliens.

Le Rabbin Haïm Amsellem, ex-Député du Parti ultraorthodoxe sépharade Shass, dont il a été banni en 2011 à cause de ses prises de position iconoclastes, qui ont suscité l’ire des autorités religieuses israéliennes et des leaders du Shass, a milité pen­dant plusieurs années pour l’abolition de la Loi Tal et son remplacement par une législation “plus équitable”.

“La majorité des Israéliens n’acceptent plus que pendant que la moitié du pays se sacrifie pour dé­fen­dre la sécurité d’Israël, l’autre moitié soit toute la journée en train d’étudier la Torah dans des Yéchivot. Cette situation attise les tensions entre Juifs orthodoxes et Juifs laïcs. Aujourd’hui, en Israël, deux pays s’affrontent: l’Israël laïc de Tel-Aviv et l’Israël orthodoxe de Bnei Brak. Pourtant, plus que jamais, les Israéliens doivent être unis pour affronter les nombreuses me­naces qui planent sur eux. À mes yeux, la scission entre Juifs laïcs et Juifs orthodoxes est plus dangereuse pour Israël que la menace nucléaire iranienne”, explique le Rav Haïm Amsellem en entrevue.

Après avoir quitté le parti Shass, le Rav Haïm Amsellem a créé un nou­veau Parti politique, Am Shalem (Peuple entier), pour défendre les valeurs d’unité et de rassemblement auxquelles il croit résolument. Ce Parti a subi une cuisante défaite aux dernières élections législatives israéliennes, de janvier 2013. Am Shalem n’a pu faire élire aucun Dé­pu­té à la Knesseth.

Le Rav Haïm Amsellem dénonce sans am­bages “le radicalisme pernicieux et irresponsable” du Grand Rabbinat d’Israël. Selon lui, cette Institution rabbinique est “entièrement soumise au diktat” des Rabbins Ashké­nazes issus de la mouvance ultraorthodoxe lituanienne. Ces pro­pos tonitruants lui ont valu les foudres des Instances rabbiniques israéliennes et des dirigeants du Shass.

Sa recommandation, très audacieuse, d’encourager les étudiants des Yéchivot à pratiquer un métier a fait scandale dans les milieux ultraorthodoxes israéliens.

“Force est de rappeler que Torah et Travail ne sont pas deux notions antinomiques mais, au contraire, concomitantes, souligne le Rav Haïm Amsellem. En Israël, l’actuel système de Yéchivot n’est plus viable. Quelque 200000 élèves étudient à plein temps dans ces Institutions d’Études tora­niques. Seulement une infime minorité d’entre eux trouveront un poste de Rabbin ou de Dayan -Juge Rabbinique. Seuls les étudiants les plus brillants assumeront un jour des fonctions rabbiniques. Les autres étudiants continueront à sta­gner dans ce système d’Étude sclérosé et totalement dysfonctionnel qui ne leur offre aucune perspective d’avenir. C’est pourquoi il est impératif que ces derniers s’intègrent incessamment au monde du travail pour trouver un emploi qui leur permettra de subvenir décemment aux besoins matériels élémentaires de leurs familles respectives.”

D’après le Rav Haïm Amsellem, aujourd’hui, la grande majorité des étudiants des Yéchivot vit dans la pauvreté, avec un “subside financier rachitique” que leur allouent le Gouvernement israélien et leur Yéchiva.

“Vivre dans la pauvreté, ce n’est pas une injonction toranique, ni une vertu”, lance-t-il.

“À travers les générations, les Rabbanim ont toujours su concilier savamment Étude de la Torah et Travail. Le Judaïsme a toujours eu dans ses rangs des Rabbins Médecins, Ingénieurs, Scientifiques, Philo­sophes… Maïmonide est l’exemple le plus édifiant. Quand on est religieux, avoir un métier, ce n’est pas une tare, ni une honte! Au contraire, les Juifs orthodoxes et observants doivent mon­trer à tous les Israéliens qu’ils sont les fiers tenants d’une Torah dynamique qui nous encourage à travailler pour pouvoir vivre dans la dignité.”

Désormais, les Israéliens devront prendre en compte les spécificités du secteur ultraorthodoxe avec tout le respect qui lui est dû. D’après le Rav Haïm Amsellem, il est important que le monde de la Torah puisse s’épa­nouir, mais il est moralement inacceptable qu’une partie de la population israélienne soit exemptée de l’obligation de défendre la Nation, ou tout au moins de la servir. Voilà pourquoi la formule du Service civil lui paraît être la plus adaptée, car elle autorise de nombreux aménagements dans le souci de préserver le mode de vie particulier des Haredim.

“Le Service civil est un bon compromis pour la majorité des jeunes Haredim. Celui-ci sera un tremplin vers le monde du travail, une insertion sociale, sachant que 90% des hommes ultraorthodoxes ne tra­vaillent pas à l’heure actuelle.”

 

In an interview, Rabbi Haïm Amsellem, a former MK for Israel’s Shas party, explains why he supports the new move that requires haredim to do either military or civil service.