Hugo Chavez était-il antisémite?

Hugo Chavez

C’est la maladie et non pas les électeurs qui a mis fin à la carrière politique fulgurante et tumultueuse du Président vénézuélien, Hugo Chavez. Ce dernier est décédé le 5 mars, à l’âge de 58 ans, des suites d’un cancer, qu’il a combattu fougueusement pendant quatre ans.

Mythe vivant et figure de proue de la gauche populiste latino-américaine, le Président Hugo Chavez a été le fer de lance de l’antiaméricanisme et de l’antisionisme en Amérique latine.

Ses frasques tonitruantes contre Israël, fortement empreintes de relents antisémites, passaient difficilement inaperçues. Chose certaine: depuis son accession à la Présidence du Venezuela, en 1998, celui que l’on a surnommé El Comandante avait maille à partir avec la Communauté juive de son pays, Israël et les Orga­ni­sa­tions représentatives du Judaïsme de la Diaspora.

“Il faut appeler un chat un chat! Hugo Chavez était un populiste foncièrement Catholique qui chaque fois qu’il vilipendait l’État d’Israël avait recours à une rhétorique ignoble truffée de poncifs antisémites éculés. Ses déclarations fracassantes sur Israël blessaient profondément les membres de la Communauté juive vénézuélienne, dont 99% sont très Sionistes et viscéralement attachés à l’État hébreu. Hugo Chavez em­ployait une terminologie très peu sophi­sti­quée pour rappeler incessamment aux Juifs Sionistes qu’ils sont les complices d’“une entité sanguinaire et génocidaire”: l’État d’Israël. Ces dernières années, son antisionisme était à son zénith. Je suis Vénézuélienne jusqu’au plus profond de mon âme. Pourtant, Hugo Chavez et ses sbires s’escrimaient chaque jour, avec un cynisme indicible, à me rappeler que “Vénézuélien” et “Sioniste” sont deux termes totalement antinomiques. C’est ce “Chavizme” échevelé, devenu insupportable pour la grande majorité des Israélites vénézuéliens, qui m’a contrainte à partir définitivement de mon pays natal”, nous a dit en entrevue Carolina Benitah-Schwartz.

Née à Caracas dans une famille sépharade originaire du Nord du Maroc, Carolina Benitah-Schwartz, 36 ans, Ingénieure en Hautes Technologies, Diplômée du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (M.I.T.), vit aujourd’hui à Tel-Aviv, où elle est Présidente d’une Compagnie de High-Tech spécialisée dans la conception de fibres optiques utilisées dans des Systèmes de communication très sophistiqués.

Dans un excellent livre qu’il a consacré l’année dernière au Président vénézuélien défunt, Qui veut la peau d’Hugo Chavez? (Éditions Le Cherche Midi, 2012), le journa­liste français François-Xavier Freland, Correspondant au Venezuela de Radio France Internationale et de la Chaîne de Télévision TV5, analyse, dans un Chapitre intitulé “L’antisémitisme supposé d’Hugo Chavez” (Chapitre 31, pp. 233-236), les rapports acrimonieux que le leader de la gauche socialiste véné­zuélienne entretenait avec  la Communauté juive de son pays, Israël et les leaders du Judaïsme de la Diaspora.

Selon la Confédération des Associations Israélites du Venezuela (C.A.I.V.), le nombre de Vénézuéliens de confession juive a diminué de moitié en dix ans. En 2000, un an après l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez, 18000 Juifs vivaient au Venezuela. En 2010, il n’y en avait plus que 9000.

D’après François-Xavier Freland, Hugo Chavez insultait régulièrement la bourgeoisie vénézuélienne en qua­li­fiant sans ambages les membres de celle-ci de Pitiyanki.

Dans la bouche d’Hugo Chavez, le mot Pitiyanki -définition de ce terme donnée par l’Académie Royale de la Langue espa­gnole : “vocable masculin, péjoratif, d’origine vénézuélienne, construit sur l’adjectif français “petit” et sur le terme “yanki”, qualifiant un “Américain du Nord” ou un “imitateur de l’Étasunien”- revenait souvent pour évoquer une bourgeoisie apatride, pro-américaine, qui rappelait quelque peu les diatribes fascistes des années 1930 contre “le Juif errant” et la vieille caricature du “banquier Juif capitaliste”.

Une autre citation du Comandante Hugo Chavez, avec des accents quasi génocidaires, datant de 2007, nous incite à établir un parallèle avec la rhétorique très judéophobe martelée dans les années 1930 en Europe par les ténors du fascisme et du national-socialisme allemand : “Les Pitiyankis devraient rendre grâce à Dieu que cette Révolution soit pacifique car nous sommes nombreux et si nous étions violents, il ne resterait pas une seule face de Pitiyanki sur cette Terre”.

En août 2008, alors qu’il évoque les Jeux Olympiques de Pékin, Hugo Chavez déclara tout à trac: “Ceux qui ne croient pas en nos athlètes sont ceux qui n’ont pas de patrie, les Pitiyankis, qui n’ont pas honte. Mais attention, Pitiyankis, préparez-vous à partir, à quitter ce pays, car vous serez ici entourés de ceux qui dé­fendent la Révolution vénézuélienne… Nous sommes en train de les entourer et ils ne s’en sont pas rendu compte mais préparez-vous, la bataille sera dure. Nous allons tous y aller ensemble: le Parti Socialiste Unifié du Venezuela (P.S.U.V.) -Parti politique dirigé par Hugo Chavez-, les Bataillons, les Patrouilles, les Patrouilleurs…”

Comme le rappelle François-Xavier Freland dans son livre, quelques années plus tôt, le 24 décembre 2005, Hugo Chavez avait fait des déclarations virulentes moins équivoques, lors d’un discours qu’il prononça la veille de Noël. Un réqui­sitoire abject qui suscita un vif émoi dans la Communauté juive du Venezuela, en Israël et dans les Communautés juives de la Diaspora. Ce discours est toujours en ligne sur le Site Internet du Ministère de la Communication du Venezuela.

“Le monde a des richesses pour tout le monde, mais dans les faits, une minorité, les descendants de ceux qui crucifièrent le Christ, les descendants de ceux qui jetèrent Simon Bolivar hors de son pays et le crucifièrent aussi à leur manière à Santa Marta, en Colombie, s’est approprié les richesses du monde -l’or de la planète, l’argent, les richesses miné­rales, les eaux, les bonnes terres, le pétrole… De toutes les richesses donc. Cette minorité a concentré les richesses du monde entre quelques mains: moins de 10% de la population du monde est propriétaire de la moitié de la richesse du monde entier et… plus de la moitié des habitants de la planète sont pauvres. Chaque jour, il y a de plus en plus de pauvres dans le monde. Au Venezuela, nous avons décidé de changer l’Histoire”, déclara Hugo Chavez.

Ces propos véhéments tenus publique­ment par le Président véné­zué­lien furent repris et publiés par le quotidien français Libération dans son édition datée du 9 janvier 2006. Cette citation fulminante fut rapidement et largement relayée par d’autres grands médias occidentaux. Ces propos à forte saveur antisémite provoquèrent une grande consternation en Israël et dans les Communautés juives diasporiques. Le Centre Simon Wiesenthal, Organisation non gouvernementale juive basée à Los Angeles, dénonça vigoureusement ce dérapage antisémite d’Hugo Chavez.

Le 27 décembre 2008, Israël lança l’Opération militaire “Plomb durci” pour détruire les infrastructures des milices terroristes du Hamas, qui ne cessaient de lancer des roquettes contre les populations civiles des villes israéliennes frontalières à la bande de Gaza. Le 5 janvier 2009, en plein meeting politique, alors qu’il connaissait pertinemment le poids symbolique du mot “génocidaire” pour un peuple qui a subi dans sa chair les affres ignominieuses de la Solution finale concoctée par les nazis, Hugo Chavez déclara sans la moindre gêne: “Que c’est triste de voir qu’Israël continue d’être le bras assassin de l’Empire yanki. Que c’est triste, non? Il faut dénoncer le Gouvernement d’Israël comme un Gouvernement assassin, un Gouvernement génocidaire.”

Quelques jours plus tard, une des plus importantes Synagogues de Caracas fut saccagée et profanée: des objets de culte furent brisés, des graffitis antisémites -“Les Juifs dehors”, “Israël et les Juifs assassins”…- furent badigeonnés sur les murs. C’est la première fois au Venezuela qu’un Lieu de culte juif était saccagé avec autant de violence. La Communauté juive vénézuélienne a été scandalisée et très peinée par ce grave incident antisémite. Le lendemain, une dizaine de personnes furent arrêtées et inculpées d’avoir planifié et organisé ce piteux acte de vandalisme. Parmi elles: un ancien garde du corps du Rabbin de la Synagogue vandalisée et plusieurs policiers et militaires, proches de l’entourage d’Hugo Chavez. Très embarrassé, ce dernier s’empressa de condamner fermement cet acte antisémite tout en invitant “la Communauté juive à garder la tête froide, face aux folies émises contre moi par certains leaders Juifs”.

Le 7 janvier 2009, dans la foulée de la guerre à Gaza qui opposa Israël au Hamas et fidèle à son anti-israélisme débridé, Hugo Chavez décide d’expul­ser manu militari l’Ambassadeur d’Israël au Venezuela, Shlomo Cohen, et une partie du personnel de l’Ambassade d’Israël sise dans ce pays, afin de “réaffirmer son attachement au peuple palestinien et à la paix et son exigence de respect par l’État d’Israël du Droit international”.

En septembre 2010, la Présidente de l’Argentine, Cristina Kirchner, demanda à Hugo Chavez de faire un geste apaisant en direction de la Communauté juive vénézuélienne. Après une rencontre avec les principaux leaders de cette Communauté, le Comandante déclara: “On a essayé de mener contre moi une campagne comme quoi j’étais antisémite, l’ennemi des Juifs. En vérité, nous respectons et aimons le peuple juif… Les révolutionnaires ne peuvent pas être des antisémites”.

Hugo Chavez était un partisan inconditionnel de la politique nucléaire du Président iranien, Mahmoud Ahmadinejad. La rhétorique antisémite rabâchée par ce dernier ne l’a jamais dérangé le moindrement.

Peu avant l’annonce officielle de la mort d’Hugo Chavez, son Dauphin, le Vice-Président Nicolas Maduro, a accusé les États-Unis et Israël d’être les “responsables du cancer qui a fini par avoir raison du Comandante”.

“Les successeurs d’Hugo Chavez nagent aussi en plein délire! Le plus pathétique dans cette sinistre Affaire, c’est que le petit peuple vénézuélien a été aussi intoxiqué par cette propagande anti-impérialiste et antisémite très nocive. Ne nous leurrons pas! Aujourd’hui, beaucoup de Vénézuéliens ne font aucune distinction entre un Israélite et un Israélien qui “persécute, à l’instar du Christ, les Palestiniens”. L’après-Chavez s’annonce plutôt sombre pour la Communauté juive du Venezuela, dont le nombre n’a cessé de diminuer ces dernières années comme une peau de chagrin”, rappelle Carolina Benitah-Schwartz.

 

Comments made by and about Venezuelan president Hugo Chavez, who died of cancer on March 5, show that he was strongly anti-American and anti-Israel.