À quand la Nationalité espagnole pour les Sépharades?

Isaac Querub Caro, Président de la Fédération des Communautés Juives d’Espagne.

“Patience” est le seul Conseil qu’Isaac Querub Caro, Président de la Fédération regroupant les 13 Communautés juives d’Espagne, peut prodiguer pour le moment aux Sépharades souhaitant acquérir la Nationalité espagnole.

“Las cosas de Palacio van despacio” -dicton espagnol dont une fidèle traduction en français serait: “Les Affaires relevant du Palais avancent lentement”. Nous espérons que le Projet de Loi que le Gouvernement de Madrid est en train d’élaborer pour octroyer la Nationalité espagnole aux descendants des Sépharades expulsés d’Espagne en 1492 sera définitivement adopté par las Cortes -le Parlement espagnol- d’ici deux ans”, précise Isaac Querub Caro en entrevue depuis Madrid.

Mais tant que cette Loi ne sera pas promulguée, les Sépharades ne pourront pas acquérir automatiquement la Nationalité espagnole.

En effet, jusqu’à présent, un Sépharade désireux d’être naturalisé Espagnol doit remplir deux conditions: 1-Avoir résidé légalement en Espagne minimalement deux ans. 2-Renoncer à la nationalité du pays où il vit et dont il est citoyen, rappelle Isaac Querub Caro.

Avant de soumettre pour adoption aux deux Chambres de las Cortes -le Congrès et le Sénat- ce Projet de Loi qui ré­ha­bi­li­tera un Droit fondamental dont les Sépharades ont été privés pendant plus de cinq siècles, le Ministère de la Justice espagnole, qui est en charge de l’élaboration de cette nouvelle Législation, devra franchir une étape très importante de ce Processus juridique: la modification de l’Article 23 du Code civil espagnol, qui stipule que toute personne qui adopte la Nationalité espagnole doit automatiquement renoncer à sa Nationalité actuelle.

D’après Isaac Querub Caro, une fois l’Article 23 du Code civil espa­gnol redéfini, la 3ème et dernière étape de ce Processus juridique et législatif pourra se concrétiser: l’adoption par las Cortes d’une Loi qui octroiera automatiquement la Nationalité espagnole aux Sépharades qui seront en mesure de démontrer leurs liens historiques avec l’Espagne.

La première, et très decisive, étape de ce Processus juridico-législatif a déjà été franchie: le “Compromis” du Gouvernement espagnol envers la Communauté juive d’Espagne et les Sépharades de souche hispanique vivant aujourd’hui dans les quatre coins du monde.

“Ce “Compromis” historique vise à rétablir la grande injustice dont les Sépharades Espagnols ont été victimes il y a 522 ans en conférant aux descendants de ces derniers tous les Droits et Privi­lèges inhérents à la Nationa­lité espa­gnole”, souligne Isaac Querub Caro.

Seuls les Juifs pouvant prouver leur origine sépharade, au sens ibérique du terme, pourront acquérir la Nationalité espagnole.

Ils devront préalablement démontrer leurs liens avec l’Espagne, que ce soit par leur nom de famille -une liste des patronymes sépharades éligibles a été établie par le Gouvernement espagnol-; leur langue familiale -le castillan ou le ladino-; leur descendance directe ou leur lien de parenté collatéral avec des Sépharades expulsés d’Espagne en 1492; leur attachement aux us et coutumes sépharades; leur Certificat de mariage religieux-Kettouba-, célébré selon le rite synagogal sépharade; leur appartenance à une Communauté sépharade…

Sous la gouverne d’Isaac Querub Caro, la Fédération des Communautés Juives d’Espagne a joué un rôle déterminant auprès du Gouvernement espagnol dans les diverses phases de l’élaboration de la nouvelle Législation qui permettra aux Sépharades qui le désirent d’être naturalisés Espagnols.

La Fédération des Communautés Juives d’Espagne a proposé au Gouvernement de Madrid d’être l’Instance habilitée à émettre une Attestation qui entérinera les preuves de liens avec l’Espagne de tout Sépharade demandeur de la citoyenneté espagnole.

“Le rôle que la Fédération des Communautés Juives d’Espagne sera amenée à jouer après l’adoption de cette Loi historique n’a pas été encore défini. Il le sera une fois que cette Législation sera promulguée. Nous souhaitons que le Processus juridique et législatif visant à octroyer la Nationalité espagnole aux Sépharades qui en feront la demande soit le plus transparent possible”, dit Isaac Querub Caro.

Dans deux ans, les Espagnols seront appelés aux urnes. Si le Parti Socialiste Espagnol, aujourd’hui dans l’Opposition, revient au pouvoir, pourrait-il remettre en question ce Projet de Loi dans le cas de figure où celui-ci n’ait pas été encore adopté par le Parlement de Madrid?

“Je ne saurais répondre à cette question, reconnaît sur un ton franc Isaac Querub Caro. Par contre, je tiens à rappeler que durant les années où il a gouverné l’Espagne, le Partido Socialista a toujours été très respectueux envers les Juifs espagnols et généreux en ce qui a trait à leurs demandes.”

C’est sous la gouverne du Partido Socialista qu’a été institué et inséré dans le Calendrier officiel le 27 janvier comme “Journée internationale du Souvenir des Victimes de l’Holocauste”; créée la Casa Sefarad Israel, une Institution relevant du Ministère des Affaires étrangères espagnol qui a pour mandat de favoriser les ­échanges culturels et éducatifs entre les sociétés espagnole et israélienne; créé le poste, rattaché au Ministère des Affaires étrangères espagnol, d’Ambassadeur en Mission spéciale pour les Relations avec la Communauté et les  Orga­ni­sations juives d’Espagne -fonction assumée actuellement par Alvaro ­Albacete…

“Je crois sincèrement que la classe politique espagnole, de Droite comme de Gauche, appuie cette décision historique en faveur des Sépharades qui se concrétisera dans un futur proche par l’adoption d’une Loi”, ajoute Isaac Querub Caro.

Cette nouvelle Loi n’est pas un fait inusité dans les Annales historiques et juridiques de l’Espagne, rappelle le Président de la Fédération des Communautés Juives d’Espagne. 

“Il y a eu un antécédent à cette Loi. En 1924, le Gouvernement issu de la Dictature instaurée par Miguel Primo de Rivera promulgua un Décret juridique qui a permis d’octroyer la nationalité à des Sépharades désireux de quitter des contrées ravagées par la Guerre. Beaucoup de Sépharades de Turquie ont bénéficié de cette Disposition juridique. À la demande du Roi Juan Carlos, cette Loi fut réactivée au début des années 90, durant la Guerre des Balkans, pour permettre à des familles Sépharades natives de l’ex-Yougoslavie d’échapper aux affres de cette Guerre civile très meurtrière et de s’établir en Espagne.”

 

In a phone interview from Madrid, Isaac Querub Caro, president of the Federation of Jewish Communities of Spain, explains that the bill enabling descendants of Sephar­dim expelled from Spain in 1492 to apply for Spanish citizenship has not yet been passed into law.