Commémoration du naufrage du bateau l’Egoz

Moïse Amselem

Moïse Amselem, Président de la Fédération Sépharade Canadienne et ancien Président de la Communauté Sépharade du Québec et de la Campagne sépharade de l’Appel Juif Unifié de la Fédération CJA, lance un vibrant appel aux dirigeants des Synagogues sépharades de Montréal pour que celles-ci commémorent le Shabbat du 10 janvier une douloureuse tragédie qui endeuilla la Communauté juive du Maroc il y a 54 ans: le naufrage du bateau l’Egoz.

Dans la nuit du 11 au 12 janvier 1961, à trois heures du matin, une petite embarcation de pêche, appelée l’Egoz (mot hébreu qui signifie “La Noix”), transportant à son bord dix familles juives marocaines -quarante-deux hommes, femmes et enfants- à destination de Gibraltar sombra au large d’Al-Hoceima, une ville située sur la côte nord-est du Maroc. 

Épuisés de fatigue, les passagers de l’Egoz embarquèrent en pleine nuit hivernale sur une plage d’Al-Hoceima après avoir parcouru les 600 kilomètres séparant Casablanca, leur lieu de ralliement, de cette ville portuaire du Maroc.

Malheureusement, pour ces Juifs marocains, leur voyage clandestin vers Israël se termina par un horrible naufrage. Sous la pression des vagues géantes déferlant dans une mer déchaînée, les planches de la proue de l’Egoz cédèrent, l’eau s’engouffra violemment par la brèche et la coque du bateau s’éventra. En moins de cinq minutes, l’Egoz coula à pic, happé par mille mètres de fond. 

Vingt-deux cadavres furent retrouvés -quatre hommes, treize femmes et cinq enfants, morts de froid-, mais on ne repéra jamais la moindre trace des corps des vingt autres passagers -dont seize enfants- ni de l’épave du bateau. Le corps de Haïm Sarfati, un Israélien de vingt-huit ans né à Fès qui assumait la périlleuse fonction de Représentant du Mossad au Maroc, qui accompagnait le groupe sur le bateau, ne fut jamais retrouvé non plus.  

Seuls le Capitaine de l’Egoz et deux marins réussiront à s’enfuir à bord de l’unique canot de sauvetage que possédait le bateau.

L’Egoz était à son treizième voyage clandestin organisé par le Mossad  pour rapatrier par voie maritime des familles juives marocaines vers Israël, via Gibraltar et Marseille.

La tragédie du naufrage de l’Egoz suscita un profond émoi et une grande colère dans la Communauté juive marocaine, dans les Communautés juives de la Diaspora et en Israël. Les Autorités marocaines furent brusquement mises au ban de l’opinion internationale à la suite des critiques très dures formulées à leur encontre par le gouvernement israélien.  

Le Prince héritier Moulay Hassan, qui deux mois plus tard allait devenir le souverain du Maroc en succédant à son défunt père, le Roi Mohammed V, reçut en audience une délégation de représentants de la Communauté juive marocaine qui lui demanda l’autorisation d’enterrer religieusement les morts du naufrage de l’Egoz. À la suite de longues tractations extrêmement tendues, le Prince Moulay Hassan, qui voulait éviter à tout prix que le public marocain ait vent de l’existence sur le territoire national d’un mouvement d’émigration massive des Juifs marocains, accepta la requête des leaders communautaires Juifs, à la condition expresse que la cérémonie funéraire se réduise au strict nécessaire. Les vingt-deux corps furent inhumés à la hâte dans un coin reculé du cimetière espagnol de la plage Cebadilla d’Al-Hoceima. Les membres des familles des naufragés ne furent pas autorisés à assister à cet enterrement en catimini.

La tragédie de l’Egoz força le gouvernement marocain à donner son aval à une émigration juive du Maroc mieux organisée et plus sécuritaire.

Après des années de négociations et de tractations ardues menées par le gouvernement israélien, des Associations israéliennes et des personnalités juives marocaines, le Roi Hassan II autorisa, en 1992, le rapatriement en Israël des ossements des naufragés du bateau l’Egoz enterrés à Al-Hoceima. Le 14 décembre 1992, des obsèques nationales furent organisées par l’État d’Israël au Mont Herzl, à Jérusalem, en hommage aux victimes de la tragédie de l’Egoz -le drame de l’Egoz est remarquablement bien relaté par la journaliste Agnès Bensimon dans son excellent livre Hassan II et les Juifs. Histoire d’une émigration secrète –Éditions du Seuil, 1991.

En 1980, le gouvernement de feu Menahem Begin accorda une reconnaissance officielle aux naufragés de l’Egoz et décréta que le 23 Tévet -date de cette tragédie dans le Calendrier hébraïque- serait désormais instituée “Journée nationale de l’Aliya clandestine en Afrique du Nord”.

Moïse Amselem souhaite que les 10 et 11 janvier les Synagogues sépharades de Montréal honorent la Mémoire des victimes de la tragédie de l’Egoz qui ont sacrifié leur vie pour accomplir une très importante et noble Mitzvah: l’Aliya.

“Les naufragés de l’Egoz sont des héros qui ont grandement contribué par le don de leur vie à écrire un Chapitre majeur de la création de l’État d’Israël, celui de l’Aliya de centaines de milliers de Juifs du Maroc et des autres pays du Maghreb. N’oublions jamais le courage inouï de ces hommes, femmes et enfants Juifs. C’est pourquoi il est important que le Shabbat du 10 janvier et le lendemain, 11 janvier, nous commémorions dans nos Synagogues cette tragédie indicible qui a durement affligé le Judaïsme, très Sioniste, marocain”, nous a dit Moïse Amselem.

Le dimanche 11 janvier, la Musicologue Dina Sabbah consacrera son Émission “Musiques aux cœurs”, diffusée sur Radio Shalom Montréal (1650 AM), à la tragédie de l’Egoz et rendra hommage aux quarante-deux hommes, femmes et enfants qui périrent dans cet effroyable drame.