Une Foire de l’antisémitisme à Casablanca

Au printemps 2008, le Maroc lança un vibrant appel aux pays arabes pour qu’ils boycottent officiellement le Salon du Livre de Paris. Raison invoquée: cette année-là, Israël était l’invité d’honneur de ce grand rendez-vous des éditeurs et des écrivains de la Francophonie. Le Ministère de la Culture du Maroc avait alors de­mandé aux éditeurs marocains  et des autres contrées arabes de ne pas se rendre à Paris pour prendre part à cette importante manifestation culturelle. Cette décision de boycott fut prise par le Gouvernement de Rabat sur proposition de Touria Jabrane, à l’époque Ministre de la Culture du Maroc.

Cette fois-ci, c’est l’antisémitisme le plus débridé et le négationnisme de la Shoah le plus ignoble qui ont eu pignon sur rue au dernier Salon International du Livre de Casablanca.

Shimon Samuels, Directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal, a récemment interpellé le Gouvernement marocain pour protester contre l’assortiment accablant de livres antisémites, révisionnistes et pronazis exposés au dernier Salon International du Livre de Casablanca.

“Il est effrayant de constater que, depuis 2010 jusqu’à l’édition 2013 du Salon International du Livre de Casablanca, et nonobstant le “printemps arabe”, la haine des Juifs demeure une constante implacable de la littérature arabe exposée, laissant des taches indélébiles sur les stands du Salon International du Livre de Casablanca. Le thème de l’Édition 2013 de ce Salon du Livre, “La culture des images et l’image de la culture”, était en réalité une image qui fomentait une culture de la haine”, a écrit Shimon Samuels à Mohammed Amine Sbihi, Ministre de la Culture du Gouvernement marocain -dirigé par le Premier ministre et Chef du Parti islamiste marocain, Justice et Développement, Abdelilah Benkirane.

Le Salon International du Livre de Casablanca est la plus importante Foire du Livre du monde arabe, avec 150 stands marocains, 30 libanais, 20 syriens, 10 égyptiens, 5 saoudiens, 2 palestiniens et 1 libyen.

Dans sa lettre, Shimon Samuels a pointé les stands les plus problématiques: ceux d’Égypte, de la Libye, du Maroc et de la Syrie, dont plusieurs éditeurs diffusent depuis le Liban.

“Dar Al Kitab Al Arabi, éditeur égyptien récidiviste, expose de manière compulsive théories de complots, déni de la Shoah et tous les stéréotypes antisémites ima­gi­nables”, a précisé dans sa lettre Shimon Samuels au Ministre marocain Mohammed  Amine Sbihi.

Sur les stands, deux grands classiques de l’antisémitisme, Mein Kampf d’Adolf Hitler, et les Protocoles des Sages de Sion, un faux inventé de toutes pièces par la police politique du Tsar de Russie à la fin du XIXème siècle -ces deux livres abjects ont de nouveau fait un tabac auprès du public présent à l’Édition 2013 du Salon International du Livre de Casablanca- côtoyaient des ouvrages férocement antisémites et négationnistes.

Voici quelques titres de ce florilège d’ouvrages judéophobes: Le début et la fin du peuple juif, d’ Ahmad Ahmad Ali al Saqa; Qui crée les dictateurs?, de Majdi Kamel -dans ce livre vitriolique, Hitler, Staline, Mao, Franco, Idi Amin, Bokassa, Noriega, Saddam Hussein, George W. Bush sont présentés comme des créatures des Juifs; une série de complots judéo-maçonniques: Les secrets des francs-maçons; Les secrets cachés de la franc-maçonnerie; Les scandales de la franc-maçonnerie, ouvrages d’Osama Hamed Mari; Le sionisme et le nazisme, d’Abdul Karim al Aluji; Iz-a-din Al Kassam: la victoire ou le martyre”, d’Abdul Karim Al Aluji; La malice des Juifs, de Said Muhammad Sayd Al-Sanari; La page noire du Livre saint, de Muhammad Husni Yusuf; Du mur al-Buraq à la barrière de la honte, d’A.D. Zainab Abdul Aziz (le mur al-Buraq est le terme employé par les islamistes pour désigner le Kotel juif ou Mur des lamentations de Jérusalem; Les règles des Rabbins de Lucifer, de Majdi Kamel; La religion et la politique entre mensonges sionistes et lois divines, de Muhammad Yunes Hashem; Le début de la fin: un Rabbin prophétise que la dernière captivité des Israélites sera sous domination “ismaélite” (musulmane), de Yusef Rashad…

“Nous sommes décidemment entrés dans une période bien sombre de notre Histoire, celle d’un monde où le nazisme n’a jamais été éradiqué. Le pouvoir marocain peut bien parler de ses Juifs avec tendresse, une telle manifestation -la présentation de livres antisémites au dernier Salon International du Livre de Casablanca- n’a pu avoir lieu sans son accord”, a écrit la journaliste Danielle Beittrach dans le Site du Journal en ligne français Médiapart.

 

The international book fair of Casablanca, the major such event in the Arab world, has become increasingly and openly antsemitic and anti-Zionist in recent years.