Les Israéliens un peuple hypercréatif

Très rares sont les livres rigoureux et honnêtes écrits en français consacrés à Israël et à sa société. 

Les Israéliens hypercréatifs, qui vient de paraître dans la nouvelle et excellente collection “Lignes de vie d’un peuple” des Éditions Ateliers Henry Dougier, est une grande et fascinante enquête sur les Israéliens réalisée avec brio par l’économiste Jacques Bendelac, chercheur en Sciences sociales à Jérusalem, et Mati Ben-Avraham, journaliste indépendant à Jérusalem.

Ce livre est un voyage passionnant au sein d’un peuple-mosaïque vivant dans un État moderne. Un portrait réaliste et attachant des Israéliens d’aujourd’hui, un peuple pluriel et complexe.

Jacques Bendelac et son confrère, Mati Ben-Avraham, ont écrit ce livre sur les Israéliens parce qu’ils considérent que la société israélienne est méconnue du public francophone.

Le public francophone croit connaître la société israélienne, mais il n’en connaît que ce que les médias diffusent. En fait, Israël fait surtout les gros titres de l’actualité internationale en période de guerre ou d’élections législatives. Ce qui fait que la société israélienne profonde est méconnue du public francophone de l’étranger, qui a beaucoup d’idées préconçues, mais connaît peu les Israéliens dans leur vie quotidienne. Ce livre a pour ambition de montrer que les Israéliens sont un peuple comme un autre, avec sa culture, ses aspirations, ses valeurs et ses passions”, explique Jacques Bendelac en entrevue -ce dernier a répondu par e-mail à nos questions. 

Pour “raconter” les Israéliens, Jacques Bendelac et Mati Ben-Avraham sont partis à leur rencontre. 

“La tâche n’a pas été facile, même pour nous deux qui habitons à Jérusalem depuis plus de trente ans! Il nous a fallu choisir les questions “chaudes” que le peuple israélien se pose, et qui nous ont permis de raconter des histoires fortes, révélatrices d’une culture particulière. Nous faisons découvrir au lecteur des personnalités qui incarnent et façonnent la société israélienne, qui renouvellent les idées, qui multiplient les innovations et qui œuvrent pour une meilleure Justice sociale”, précise Jacques Bendelac.

Comment expliquer la grande hypercréativité des Israéliens dans de nombreux domaines -Technologie, Sciences, Culture…?

Le sous-titre du livre s’est imposé une fois que nous en avions terminé l’écriture. Dans toutes les enquêtes et rencontres que nous avons réalisées, nous nous sommes rendu compte que la capacité d’innovation et d’adaptation était le trait de caractère le plus répandu chez les Israéliens. Et pas seulement dans le domaine de la haute technologie, qui est le plus connu.”

En Israël, poursuit Jacques Bendelac, la créativité jaillit d’endroits inattendus, comme le cinéma, la littérature, la presse, l’art, le vin…

“Cette hypercréativité est aussi pour les Israéliens un moyen de s’adapter aux changements sociétaux. Lorsque le Kibboutz fait faillite, on invente le “nouveau Kibboutz” qui n’a de l’ancien Kibboutz que le nom; lorsque les Israéliens sont menacés par les missiles tirés par le Hamas depuis la bande de Gaza, ils inventent un “Dôme de fer” qui va les protéger… Dans les débats d’idées aussi, les Israéliens sont créatifs: ils inventent des concepts politiques (comme celui d’un “État juif et démocratique”); ils remodèlent des modes de vie (pour permettre aux Juifs laïcs et ultraorthodoxes de vivre côte-à-côte); ils se réunissent dans des “Parlements populaires” pour refaire le monde…”

Définir l’Identité israélienne, ce n’est certainement pas une sinécure. Est-ce l’un des grands défis auxquels les Israéliens sont confrontés aujourd’hui?

Les Israéliens sont toujours à la recherche d’une Identité commune, ce qui est quand même surprenant après 67 années d’existence de l’État d’Israël! Il est vrai qu’il n’est pas facile de faire cohabiter un peuple si divers, composé de Juifs, de Musulmans et de Chrétiens, de riches et de pauvres, de Séfarades et d’Ashkénazes, de religieux et de laïcs, de ceux qui soutiennent l’État et de ceux qui s’en accommodent… Les fondateurs de l’État d’Israël ont cru qu’on pouvait brasser tout ce monde dans un creuset pour créer un “homme israélien nouveau”, une sorte de Homo Hebraïcus auquel chaque Israélien pourrait s’identifier. On peut dire que la société israélienne a créé seulement en partie cet homme nouveau. La difficulté pour les Israéliens de définir une Identité commune est donc un des plus grands défis de la société israélienne. L’absence de consensus sur de nombreux sujets se traduit par une segmentation de la société et aussi par une instabilité politique -on voit bien comme il est difficile de former une coalition gouvernementale en Israël!”

Les Israéliens croient-ils réellement encore à la paix avec les Palestiniens et le monde arabe?

“En Israël, celui qui ne croit pas au miracle n’est pas réaliste” se plaisait à dire David Ben Gourion il y a près de sept décennies. Alors, oui: les Israéliens croient à la paix. Le règlement du conflit avec les Palestiniens fait aussi partie des aspirations de la majorité des Israéliens. Pour illustrer cette aspiration, nous sommes partis à la rencontre d’un groupe d’Israéliens et de Palestiniens qui tentent de briser la glace entre les deux peuples. Nous avons interrogé des experts, des penseurs et des universitaires, de droite comme de gauche. Tous nous ont répété que la formule de “deux États pour deux peuples” doit rester l’objectif à atteindre. Certes, la méfiance réciproque est toujours là, trop de cicatrices sont encore ouvertes, sans parler des problèmes internes à chaque société, comme l’instabilité politique ou l’incapacité des dirigeants, israéliens et palestiniens, de trancher pour aboutir à un compromis acceptable par tous. Nous croyons fortement que l’hypercréativité peut aussi être mise au service de la paix.”